METODO

International Studies in Phenomenology and Philosophy

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L'entrexpression charnelle

Pour une lecture du Visible et l’invisible

Patrick Leconte

pp. 1-30

La notion de chair s’élabore chez Merleau-Ponty, à l’encontre du primat husserlien du toucher, dans l’articulation du toucher et du voir. C’est par cette articulation, ce recouvrement l’un par l’autre des champs sensoriels que Merleau-Ponty peut penser la chair comme chair du monde, élément de l’Être. L’auto-appréhension charnelle doit se comprendre d’abord selon une visibilité errante, dans la transitivité des regards qui se voient et s’échangent le paysage commun de leurs vues. Mais, remontant au cœur même de ce « transitivisme », c’est dans la rencontre des corps, dans leur enlacement, que Le visible et l’invisible décrit au plus près l’opération de cette réversibilité. Naissance du monde dans la figure d’une scène primitive où les corps se donnant l’un à l’autre ouvrent un espacement originaire. Cette réflexivité essentiellement est inaccomplie, les corps ne se touchent que dans l’écart qui les unit. La chair, Merleau-Ponty y insiste, ne se rejoint que dans l’immi­nence d’une auto-affection toujours différée, par là elle est différenciée, polymorphe, et elle demeure ouverte. De cette ouverture de la chair naît l’expression. La voix s’élève dans une autre réflexivité, celle d’un sonore qui s’entend et, plus proprement, celle des voix qui s’écoutent. Incarnation sonore, la voix est la chair vive du sens. Entre la caresse et la voix, c’est à un même mouvement de réflexivité et d’expressivité charnelle que Merleau-Ponty nous fait donc assister, un même élan de la chair qui s’exhausse de son anonymat élémentaire pour naître à soi dans l’expression.

Publication details

Full citation:

Leconte, P. (2009). L'entrexpression charnelle: Pour une lecture du Visible et l’invisible. Bulletin d'Analyse Phénoménologique 5 (4), pp. 1-30.

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